A bout du souffle
"I can't breathe" Breathing is growing increasingly difficult for human beings, as Nazis are taking the upper hand everywhere. Poetry makes nothing happen. It only allows humans to breathe.
Jeudi 14 Novembre hr 18
au CAPC (Musée d’Art Contemporain de Bordeaux)
je vais presenter l’exposition Breathworks,
et l’edition française du livre BREATHING
https://www.capc-bordeaux.fr/conference-inaugurale-de-franco-bifo-berardi
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poetry makes nothing happen: it survives
In the valley of it saying where executives
Would never want to tamper; it flows south
From ranches of isolation and the busy grief,
Raw towns that we believe and die in:
It survives,
A way of happening, a mouth.”
(Auden: In Memory of W.B. Yeats)
Breathing, Semiotexte, Los Angeles, 2018
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The Apocalyptic Unconscious!
!
Social psychomancy is not a science, it’s just a game that I play from time to time in order to survey the ongoing history of humankind from the viewpoint of the social unconscious. So do not take me too seriously. Social psychomancy is a random methodology for the interpretation of a random sphere of events: mental events evoked by the flows of imagination that roam the social psycho-sphere and are organized by forces of attraction and repulsion. Fears, expectations, desires, and resentments dwell in the psychomantic sphere of imagination, so I think of psychomancy as the art of mapping the collective mind. The history of the world cannot be fully grasped if we do not understand what happens in the social psycho-sphere: shared meaning, rational goals, and conscious motivations are continuously disrupted and reshaped by the immaterial substances that social psychomancy tries to survey. !
The present may be considered the Age of the Dark Enlightenment: the age of the rejection of modernity’s rationalistic Enlightenment by those who have been led to submit reason and life to the ferocity of financial mathematics. Rational categories have lost their grasp on our social becoming, and we need a different approach in order to apprehend our contemporary postrational condition. Our time is traversed by an apocalyptic sentiment of a sort.
RESPIRARE editore Luca Sossella, Roma, 2019
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In un libretto intitolato The uprising Poetry and finance, (Semiotexte, Los Angeles 2011 ) scritto e pubblicato nell’onda del movimento di Occupy ragionavo sulla possibilità della riattivazione del corpo erotico dell’intelletto generale come unica via di liberazione dall’oppressione del capitalismo finanziario.
Per quanto vasto, quel movimento si concluse in una sconfitta politica. L’assolutismo finanziario non fu affatto scosso dalle proteste, anzi rafforzò la sua presa distruggendo completamente le condizioni della vita sociale. In seguito l’impotenza, l’umiliazione e la disperazione condussero la gente ad abbandonare ogni sentimento di universalismo umanista e a convertissi all’aggressività, mentre il caos invadeva la vita sociale e la mappa geopolitica del mondo. Dozzine di imitatori di Hitler hanno preso il potere in ogni angolo del pianeta, il nazionalismo, il razzismo il fondamentalismo religioso invadono il discorso pubblico.
Ma Occupy non era un movimento politico. L’occupazione delle piazze e degli spazi pubblici si rivelò inutile, dal punto di vista politico. Occupy era solfano l’inizio di un processo di lungo periodo di liberazione del corpo sociale dal dominio astratto dell’assolutismo finanziario, dalla tenaglia stratta che soffi la respirazione sociale come le polveri che diffondono l’asma e il cancro nei polmoni delle nuove generazioni.
In questo nuovo libro che è dedicato alla irrespirabilità dell’aria contemporanea ritorno sulla metafora della poesia come la sola via di fuga dal soffocamento.
Nell’età dell’assolutismo finanziario il potere è una relazione astratta tra entità numeriche. Mentre la sfera dell’economia finanziaria è governata da algoritmi e connette trattali di lavoro precario, la sfera della vita è invasa da flussi di caos che paralizzano il corpo sociale e riducono l’aria respirabile fino al punto di provocare effetti di soffocamento in senso metaforico e reale.
Non c’è una via politica di uscita dalla trappola: solo la poesia, che eccede lo scambio semiotico, può agire come riattivatore della respirazione. Solo la poesia ci aiuta nell’apocalisse che si sta ormai dispiegando come effetto di decenni di assolutismo finanziario.
Asfixia, edizione brasiliana, Sao Paulo, 2022
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edizione francese, Bordeaux, 2024
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“la poésie ne fait rien arriver : elle survit
dans la vallée de son dire où les fonctionnaires
ne voudraient jamais s’adventurer; elle coule
vers le sud vers la banlieue de l'isolement
et des chagrins occupés.
Des villes brutes dans lesquelles nous croyons
et dans les quelles nous mourons. Elle survit,
une manière de se passer, une bouche…”
(Auden: In Memory of W.B. Yeats)
Je suis asthmatique, ce qui explique peut-être mon
sentiment de compassion en voyant la vidéo de l’assassinat
d’Eric Garner. Garner a été tué le 17 juillet 2014 à Staten
Island, dans la ville de New York, étranglé pendant quinze
à dix-neuf secondes par un policier lors de son arrestation.
Les mots « I can’t breathe » (je ne peux pas respirer) –
répétés à huit reprises par Garner, avec une voix de moins
en moins audible, avant de rendre son dernier souffle – ont
été scandés par des milliers de manifestants dans tout le pays
pendant des mois.
À bien des égards, ces mots traduisent le sentiment
général de notre époque : un essoufflement physique et
psychologique généralisé, dans les mégapoles asphyxiées
par la pollution, face à la précarité sociale d’une majorité
de travailleurs exploités, face à la peur omniprésente de la
violence, de la guerre et de l’agression. Et dans cet empire
baroque où règnent vulgarité débridée, hypocrisie glamour
et souffrance silencieuse et généralisée, Trump incarne
l’empereur parfait.
J’aborderai notre chaos contemporain sous l’angle
de la respiration pour y chercher une échappatoire au
cadavre du capitalisme. Je commencerai par un extrait de
Friedrich Hölderlin.
Hölderlin s’inscrit dans la tradition du romantisme
allemand, mais son parcours s’écarte de l’idéalisme en
opposant un questionnement ironique de l’être au style
affirmé du rationalisme dialectique hégélien. Hegel a choisi
la voie de la bigoterie, une bigoterie moderne de l’Histoire
comprise comme le devenir réel de la Vérité.
Hölderlin était loin d’être aussi bigot et il n’a pas
suivi ce chemin qui mène à l’illusion historique. Dans
« Mnémosyne », il écrit : « Un signe, tels nous sommes, et de
sens nul / Morts à toute souffrance, et nous avons presque /
Perdu notre langage en pays étranger. »
Pour Hegel, qui était un camarade de Hölderlin
pendant leurs années d’études à Tübingen, l’unité de
l’homme se trouve dans le concept et dans le « devenir réel »
historique de ce dernier. Hölderlin ne tombe pas dans le
piège de l’Aufhebung (dépassement) de Hegel. Il n’adhère
pas à la foi de l’idéalisme dans la réalisation historique
du Geist (esprit). Pour lui, la compréhension de la réalité
ne repose pas sur la Geschichte (l’histoire), mais sur la
Begeisterung (l’inspiration). Il perçoit dans la respiration la
texture intime de l’être : le rythme poétique.
Je voudrais insister ici sur le sens ontologique du
« rythme » : par essence, le rythme renvoie non seulement
aux émissions vocales ou au son de la matière, mais aussi à
la vibration du monde. Pour moi, c’est de là que le concept
tire sa force. Le rythme est la plus profonde vibration du
cosmos. La poésie, elle, cherche à se syntoniser avec cette
vibration cosmique, cette vibration temporelle en perpétuel
mouvement.
Dans la philosophie bouddhiste mystique, il existe
deux termes sanskrits distincts : śabda et mantra. Śabda se
rapporte aux sons liés au langage parlé, utilisé pour désigner
des objets et des concepts dans le cadre d’un simple échange
de signifiés opérationnels. Un mantra, en revanche, est
un son vocal qui déclenche la création d’images mentales
et de significations sensibles. Alors que le śabda est la
résultante des chaînes opérationnelles de la communication
fonctionnelle quotidienne, le mantra est la manifestation
du rythme du corps et de sa relation avec la sémiosphère,
qui est la source même du monde de l’être humain. Dans
la philosophie indienne, ātman est le souffle vital de chaque
organisme sensible et conscient ; le prāṇa étant la vibration
cosmique que nous percevons comme un rythme.
Dans les Notes sur Antigone, Hölderlin oppose à
la logique conceptuelle de l’idéalisme naissant une logique
poétique. Prenant le contre-pied du panlogisme de Hegel,
il propose une sorte de panpoétisme. Il ne faut pas y voir
un pathétisme purement romantique car la proposition
de Hölderlin revêt un sens philosophique profond. Selon
Hölderlin, la poésie est le flux sémiotique dont émanent
les formes perceptives et narratives qui sont à l’origine
de la sphère commune de l’expérience. Autrement dit,
la réalité est la sphère où se jouent les interactions et la
communication entre les êtres humains, distillée par le
langage et sublimée par la poésie. La poésie compose et
infuse les strates de la mythopoïèse : elle nourrit l’imaginaire
social et les discours politiques. Comme l’écrit Hölderlin,
« seuls les poètes fondent ce qui demeure »1. Je souhaite
appréhender le chaos de notre époque en rapprochant deux
concepts que sont la respiration et la sémiose.
Le chaos et le rythme constituent les fils rouges
de ce livre, qui explore notre époque apocalyptique : le
paysage mental et social de cette deuxième décennie du
XXIe siècle croule sous le malheur et la violence. Hölderlin
préfigure par sa poésie le chaos futur de la modernité et
l’essoufflement qui en découle. C’est un problème de
mesure, écrit-il. Il n’y a pas de mesure terrestre, si bien que
notre sens de la mesure (le rythme) n’est qu’une projection
de notre respiration : la poésie. C’est pourquoi l’être humain
vit de manière poétique, bien qu’il « mérite » un autre sort.
Hölderlin : « Un homme, quand la vie n’est que fatigue,
un homme / Peut-il regarder en haut, et dire : tel / Aussi
voudrais-je être ? Oui. Tant que dans son cœur / Dure la
bienveillance, toujours pure, / L’homme peut aller avec le
Divin se mesurer ».
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https://www.capc-bordeaux.fr/agenda/expositions/air-de-repos
https://www.capc-bordeaux.fr/tables-longues-conversations-avec-artistes-air-de-repos-breathwork
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I CAN’T BREATH
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